Des changements douloureux
Les transports russes se réorientent. Grâce aux relations économiques étroites avec l’UE, le développement du secteur russe des transports était surtout orienté vers l’ouest jusqu’au 22 février 2022. Compte tenu de la guerre en Ukraine et des sanctions sans pareilles, les espoirs portant sur un essor de la branche avec ce même dynamisme ont été réduits à néant.
La coupure est radicale. Selon d’anciennes déclarations du responsable de l’administration douanière fédérale de Russie, Ruslan Davydov, faites lors du forum douanier international, la part de l’UE dans le transport de marchandises global au départ de la Russie avant 2022 a atteint 50% voire davantage.
Cette part est retombée à 16% alors que celle des pays asiatiques est passée à presque 70% et continue de croître. La plus forte croissance et la réorientation la plus importante des flux de marchandises concernent la Chine, mais l’Inde et même l’Amérique latine progressent également.
Selon plusieurs responsables de haut niveau du secteur du transport, la situation demeure stable. Malgré les sanctions, la plus grande partie des marchandises russes ont déjà été détournées vers la région asiatique. Les statistiques publiées par Rosstat montrent que le volume de fret transporté en 2023 a baissé de seulement 0,1% par rapport à 2022 pour retomber à 8,7 milliards de t. Sur ce total, 1,2 milliard de t concernaient le rail, 6,2 milliards la route, 32,9 milliards la voie maritime et environ 500 000 t le trafic aérien. La tendance s’est poursuivie au cours des cinq premiers mois de 2024.
Le rail va-t-il demeurer fort?
Mikhail Blinkin, directeur scientifique de la faculté du développement urbain et régional de l’Université russe des sciences économiques, a déclaré dans la publication universitaire HSE Daily que les sanctions touchent surtout le trafic aérien en Russie.
Leurs effets sur le transport ferroviaire et la production de wagons et de locomotives sont nettement moins prononcés. Selon M. Blinkin, il est important – compte tenu de la surface et de la taille du pays ainsi que de la situation actuelle – de développer le trafic intérieur en Russie.
La situation de la branche semble stable mais les sanctions et la fermeture des marchés occidentaux aux exportateurs russes ont entraîné une forte hausse des tarifs pour les transports de marchandises, quel que soit le mode. Les transitaires commencent à souffrir de la pression constante.
La pression interne et externe
Les tarifs du transport ferroviaire en Russie, dominé par le grand groupe d’État RZD et marqué par un manque de concurrence, ont augmenté officiellement de 50% depuis 2022, mais la hausse est sans doute plus forte. Idem dans le transport routier: les tarifs ont été multipliés par 2 à 2,5 en raison de la baisse du parc roulant et du départ massif de chauffeurs (beaucoup ont été enrôlés) auxquels s’ajoutent une hausse du prix du carburant.
La situation est compliquée car le secteur chinois du transport commence à avoir des problèmes en raison du volume de transport de marchandises croissant en provenance de la Russie. Réaction: la Chine, actuellement le plus important partenaire commercial de Moscou, a souvent recours à des méthodes non conformes aux règles de la concurrence en soumettant le transport de produits russes à des limitations artificielles.
Pékin a augmenté fortement, depuis mai, les tarifs du trafic ferroviaire de marchandises vers la Russie et le Bélarus. Selon les analystes russes, les prix ont grimpé (de 500 à 800 USD) en raison de la baisse du nombre de conteneurs disponibles en Chine et des longs embouteillages aux frontières. En même temps, les prix ont augmenté pour le fret maritime en provenance de la Chine, de 800–1000 à nouvellement 1300–1500 USD selon le port de départ.
Retrait en Russie
Le gouvernement russe est conscient de ces problèmes et a autorisé un paquet d’investissements, après avoir étudié le pour et le contre. Ces investissements visent à soutenir le secteur national du transport et le développement de l’infrastructure. Selon les déclarations récentes du Premier ministre, Mikhail Mihustin, il est question d’un investissement annuel d’environ 18 milliards d’USD. L’affectation des fonds fait partie du programme fédéral actuel.
La plus grande partie ira au développement de routes de transport vers l’Asie et à l’augmentation de la capacité sur la magistrale Baïkal–Amour et le Transsib, les plus longues lignes ferroviaires russes.