Remous avant la tempête
Le secteur logistique du Royaume-Uni se prépare à un Brexit dur. L’ambiance balance entre paroles d’encouragement et la crainte d’une paralysie des transports dans le sud-est du pays, entre Douvres et Londres.
«Le drame du Brexit est loin d’être fini en Grande-Bretagne. Les différents fronts campent sur leur position et une solution dans un proche avenir semble de plus en plus illusoire. Le risque d’un Brexit dur – la Grande-Bretagne quitterait alors sans accord l’UE, le 29 mars – augmente par conséquent. Le manque de volonté des politiques britanniques à trouver une solution au cours de ces dernières semaines a provoqué des réactions très claires également de la part du secteur logistique. Robert Keen, directeur général de la British International Freight Association (Bifa), déclare: «Nous manquons de temps. Je conseille à nos membres et aux entreprises opérant dans le commerce britannique à se préparer à un Brexit dur.»
Les logisticiens corrigent les erreurs
Si le Brexit se fait vraiment sans accord, R. Keen estime que les transitaires britanniques joueront un rôle clé. En particulier ceux ayant le statut OEA pourront garantir la circulation des importations et exportations entre le Royaume-Uni et l’Europe continentale. «Les membres de la Bifa sont capables de réagir au chaos dû aux politiques», annonce R. Keen. Il continue toutefois de croire en un accord et s’engage pour cela au sein de la Bifa: «Un flux de marchandises constant pour les entreprises est le principal objectif de notre branche. Nous lançons donc un appel aux instances compétentes à Londres et à Bruxelles pour un scénario ne pertburant pas la chaîne d’approvisionne-ment.»
Les débats sur le Brexit au Parlement britannique continuent certes, mais dans les coulisses on se penche sur les conséquences d’un Brexit dur. Sous le nom d’«Operation Brock», le gouvernement britannique compte débloquer jusqu’à 30 M. de GBP pour la gestion du trafic afin d’atténuer les effets du Brexit sur la branche logistique. L’attention se tourne vers l’autoroute M20 Douvres–Londres sur laquelle circulent chaque jour des milliers de camions. 17% du commerce britannique passent par ce port de la Manche. «Le soutien du gouvernement est bien sûr le bienvenu, mais nous n’avons peut-être plus assez de temps pour des mesures efficaces», souligne Heidi Skinner de la Freight Transport Association.
En janvier a eu lieu un voyage test avec 89 camions de l’ancien aéroport de Manston jusqu’au port de Douvres (distance: 32 km). Le terrain de l’aéroport pourrait servir d’aire de retenue des camions. Un convoi de 89 véhicules n’est pourtant pas un test convaincant puisque 10 000 camions sont dénombrés chaque jour au port de Douvres.
Les entrepôts sont pleins
Une des conséquences de cette incertitude croissante qui sévit dans le pays est une forte demande en entrepôts dans le sud-est de l’Angleterre. Cela inquiète Peter Ward, CEO de United Kingdom Warehousing Association: «Si les chaînes d’approvisionnement ne fonctionnent plus, il faut davantage d’entrepôts. Mais il existe déjà une pénurie et il n’y a pas assez de projets en cours.» L’association a effectué fin 2018 un sondage parmi ses membres. Les résultats sont on ne peut plus clairs. 85% des sociétés interrogées ont enregistré des demandes d’aires d’entreposage en raison du Brexit. 75% avaient à ce moment-là des capacités disponibles, mais ce n’est plus le cas. Les entrepôts sont pratiquement pleins. Les perspectives sont par conséquent loin d’être roses pour le secteur britannique de la logistique.