Sur la trace des voleurs
Les vols de marchandises augmentent de plus en plus. L’association pour la sécurité du transport Tapa et Thorsten Neumann, son nouveau CEO EMEA, souhaitent sensibiliser les autorités et les entreprises à cette problématique et réclament de meilleures données.
Les chiffres sont inquiétants. Au premier semestre 2019, les coûts résultant des vols de chargements dans la région EMEA (Europe, Moyen-Orient, Afrique) ont atteint 305 000 EUR par jour. Selon la Tapa (Transported Asset Protection Association), il s’agit d’un niveau record. Le nombre de délits a grimpé de 5,1% comparé à la même période de 2018 pour totaliser 4200. Ainsi se poursuit un développement en cours depuis environ quatre ans et c’est encore bien plus inquiétant.
La Tapa, la seule organisation globale qui s’engage pour la lutte contre les vols de marchandises, n’est bien sûr pas très heureuse de la hausse du nombre de délits. Pour Thorsten Neumann, CEO de la Tapa EMEA, l’évolution actuelle n’est toutefois pas complètement négative. Premier CEO à plein temps de l’organisation depuis juin dernier, l’Allemand estime que l’augmentation du nombre de vols déclarés prouve que le travail de la Tapa a du succès. «À maints endroits, il n’existe pas de statistiques saisissant séparément les vols de fret. Les cas déclarés ne sont donc que la pointe de l’iceberg, la plus grande partie est cachée. Si les chiffres augmentent, cela montre aussi qu’il y a un peu plus à voir de cet iceberg.» Une banque de données européenne contenant tous les vols de fret n’existe pas et dans beaucoup de pays il n’y a même pas de banque de données nationale.
Mais en comptant de la même façon un vol à la tire et un camion vidé, il est difficile d’en tirer des conclusions. Alors que l’Allemagne fournit depuis assez longtemps des données fiables, la France en fait de nouveau autant depuis peu, au terme d’une interruption. «Nous en sommes extrêmement heureux car la France est un important pays de transit», a déclaré T. Neumann à l’ITJ. «Beaucoup d’administrations ne veulent pas reconnaître le problème et renoncent donc à classer séparément les vols de fret.»
Mais à elles seules les données n’apportent pas grand-chose, elles prouvent uniquement que le vol a déjà eu lieu. La Tapa mise par conséquent sur la prévention et tient à sensibiliser ses membres. «La prise de conscience est notre principal objectif», souligne T. Neumann. Les efforts se concentrent sur le chauffeur et l’entreprise de transport. De petits changements permettent déjà d’améliorer la sécurité. Il est par ex. judicieux que le camion arrive chez le chargeur avec le réservoir plein au lieu de devoir s’arrêter avec le chargement à la prochaine station-service. T. Neumann est aussi conscient du fait que la prévention des vols a ses limites puisque la valeur des marchandises à transporter ne cesse d’augmenter. «Le risque peut certes être réduit, mais il faut accepter une partie des pertes. La plupart des mesures coûtent cher et prennent du temps. En fonction des valeurs en jeu, les efforts ne se justifient pas toujours.»
Des succès en Allemagne
Hormis le travail avec les entreprises, la Tapa cherche aussi l’échange avec les autorités de l’UE afin d’attirer plus d’attention sur le sujet. «En particulier en Europe de l’Est, les données sont faibles. Nous espérons que l’UE parviendra à moyen terme à améliorer la situation en matière de statistiques», souligne T. Neumann. Si la politique et les services de la police se penchent vraiment sur les vols de marchandises, il est possible de faire bouger les choses. L’exemple de la Saxe-Anhalt le prouve. Ce Land allemand a créé au printemps 2018 un groupe de projet appelé Cargo et qu’ont rejoint peu à peu des polices d’autres Länder et de la Pologne. Au terme d’environ un an, les régions en question ont enregistré une baisse notable des vols de chargements. Selon la Tapa, il n’est toutefois pas exclu que les criminels se soient simplement tournés vers d’autres régions.
Du parmesan valant 1,2 M. d’EUR
La plupart des milliers de poids lourds sur les routes européennes ne révèlent pas quel type de marchandises ils transportent. Pour les voleurs, la question est importante. Le tabac, les produits alimentaires, les boissons, l’électronique, les vêtements et les produits de beauté sont leur butin préféré selon la Tapa. Le fait qu’ils apprécient les produits alimentaires peut paraître étonnant, d’autant qu’un chargement de bananes est difficile à écouler. Mais pour le CEO de la Tapa, la valeur de ces produits est évidente: «Il faut toujours manger et il est possible de vendre les aliments sur des plateformes en ligne légales à certains restaurants ou grossistes qui achètent avec plaisir des produits certes volés mais moins chers. S’y ajoute qu’il est difficile de suivre les aliments.» Un camion de parmesan a une valeur d’environ 1,2 M. d’EUR, dit T. Neumann. Même avec des rabais, le bénéfice peut encore être notable. En dépit de tous les problèmes causés par les vols, une chose est certaine: il n’y a pratiquement jamais de victime, tout au moins en Europe.
Enlèvements en Afrique du Sud
La Tapa est également en charge du Moyen-Orient et de l’Afrique. En Afrique, elle se focalise sur l’Afrique du Sud. «La situation y est nettement plus grave qu’en Europe. Des attaques à main armée ne sont pas rares.» Ce que confirment les statistiques de l’assureur transport TT Club. En Europe, la moitié des vols de chargements se font par le biais d’une bâche tailladée, par ex. sur une aire de repos. Au Moyen-Orient et en Afrique, les enlèvements de véhicules représentent 43% des incidents. En Afrique du Sud, des bandes sont souvent spécialisées dans cette pratique. Les enlèvements sont encore plus fréquents en Amérique du Sud et dans une moindre mesure en Amérique du Nord.
Malgré la situation difficile, T. Neumann se sent encore bien à son poste. «Je suis désormais indépendant et peut me consacrer entièrement à la Tapa.» Dans un premier temps, il veut accroître le nombre de membres et lancer une campagne sur des bâches de camions. Pour les voleurs c’est la haute saison qui commence car Noël est en vue. «Nous en ressentirons les conséquences au cours des semaines à venir», a laissé entendre T. Neumann.