Passager ou permanent?
Aux USA, les détaillants affrètent le plus fréquemment de la capacité de transport.
Soucieuses d’éviter les risques de perdre des clients en raison de rayons vides, beaucoup d’entreprises (dont Walmart, Home Depot, Ikea ou American Eagle Outfitters) affrètent leurs propres capacités de transport maritime voire aérien. Manik Mehta, correspondant de l’ITJ, s’est demandé si les détaillants vont se lancer définitivement dans ce secteur.
En raison des encombrements massifs dans et au large des ports qui ont entraîné des problèmes de livraison et des coûts de transport élevés, de grands détaillants ont décidé d’avoir recours à l’affrètement de navires marchands. Déjà avant la saison de Noël, de nombreuses sociétés ont ainsi commencé à s’approvisionner en marchandises provenant du monde entier puisque la pression s’exerçant sur des entreprises telles que Walmart, Home Depot, Target et Ikea augmentait énormément. «L’affrètement est une solution à court terme pour surmonter les perturbations actuelles, mais non pas une solution à long terme», explique pourtant John Gonzalez, un spécialiste new-yorkais de l’expédition.
Affréter des navires, pour et contre
James Hookham, directeur du Global Shippers’ Forum, a laissé entendre récemment lors d’une manifestation que ces affrètements dépassent le cadre habituel de la navigation. Les détaillants US ont pu, grâce à cet outil, contourner beaucoup tôt des canaux de distribution conventionnels afin d’établir leur propre «product lifeline» à l’étranger.
Certains experts estiment que Walmart a réussi, grâce à l’affrètement de navires, à augmenter son chiffre d’affaires à environ 30 milliards d’USD en 2021. Cette stratégie est un succès même si l’affrètement de porte-conteneurs a généré des coûts plus élevés. S’y ajoute la construction traînante de navires neufs. Le nombre d’unités opérant dans la flotte mondiale du transport maritime international ne croît que lentement. Affréter un navire est donc plus cher que le transport maritime conventionnel.
En trafic maritime... et aérien
La société American Eagle Outfitters a pourtant déjà fait un pas de plus et a transporté des marchandises fines par avion charter au lieu de navire affrété. Son chiffre d’affaires net a augmenté d’une année à l’autre de 24% à 1,27 milliard d’USD. C’est ce qu’a annoncé le responsable des finances de la société, Mike Mathias, lors d’une conférence téléphonique sur le résultat du troisième trimestre 2021.
L’affrètement de navires semble donc être une stratégie efficace, bien qu’elle ne soit pas la bonne pour chaque importateur. Le sentiment de sécurité provenant du fait d’avoir assez de marchandises dans les rayons pèse souvent plus lourd que les coûts supplémentaires dus à l’affrètement. Parmi les détaillants qui craignent le plus de perdre des clients figure le géant des supermarchés Asda. Avec des porte-conteneurs affrétés par ses soins il a réussi à éviter pendant la haute saison des goulets d’étranglement concernant des marchandises telles que les jouets, l’habillement, les cadeaux etc. Costco et Walmart ont eux aussi fait appel à des unités affrétées pour garantir leur approvisionnement.
La roue continue de tourner. Des spécialistes en économie avaient lancé une alerte: la combinaison d’une politique financière «généreuse», de programmes conjoncturels massifs et d’économies budgétaires élevées entraînera une demande dépassant l’offre. Beaucoup d’experts n’excluent pas que les goulets d’étranglement existeront au-delà de 2022, alors que les optimistes prévoient une détente sur les mers du globe vers la fin de l’année. «Le nombre de navires commandés est aujourd’hui beaucoup plus élevé... et cela contribuera à long terme à résoudre le problème des capacités», estime un expert. Les entreprises se verront toutefois confrontées, également à l’avenir, à des attentes longues et à des taux de fret accrus. Selon des transitaires, le taux de fret d’un conteneur de la Chine vers la Californie est passé de 1000 USD en 2020 à 20 000 USD en 2021.
Disponibilité plus élevée
C’est uniquement grâce à des «mesures exceptionnelles» que le président US Joe Biden a réussi à maîtriser la crise aux États-Unis, a révélé un transitaire lors d’un entretien avec l’ITJ. Les ports y sont ouverts traditionnellement de lundi à vendredi. L’administration Biden a négocié avec les syndicats, exploitants de terminaux etc. de changements des horaires de travail et de l’ouverture des ports sept jours sur sept. Le port de Los Angeles sera par exemple ouvert 60 heures de plus par semaine. Avec le port jumeau de Long Beach, le port californien traite environ 40% des importations US de conteneurs.
En raison des craintes concernant les conséquences de la crise des chaînes d’approvisionnement sur l’économie, le président US a demandé également au secteur économique privé de «se montrer davantage coopératif». De grands magasins tels que Target, Home Depot et d’autres ont réagi à l’appel de J. Biden sur la mise à disposition de plus de personnel pour des opérations de logistique. Le nombre de ces sociétés affrétant des navires est pourtant faible.
Conclusion: affréter des navires est une solution passagère en situation de crise. Dès que le marché du fret sera redevenu normal, les sociétés renonceront à l’affrètement qui sera superflu pour leurs activités clés.