La fiabilité passe avant le prix
ESC: les chargeurs à la rescousse des chaînes de livraison. Certes, il y a Kiev, Taïpeï ... Il y a aussi les armateurs et fournisseurs. Et les supply chains actuellement en danger en différents points, bien plus qu’il y a quelques années. À Vienne, Roman Stiftner, président du European Shippers’ Council, a expliqué à Josef Müller, correspondant de l’ITJ, comment les chargeurs contrent les goulets d’étranglements et oligopoles dans le transport des matières premières.
L’économie mondiale subit actuellement une mutation douloureuse notamment en raison de la pandémie de coronavirus et de la guerre en Ukraine. «La pandémie a mis en lumière la vulnérabilité de nos chaînes d’approvisionnement par rapport aux crises et la nécessité de fournir des efforts conjoints afin de les concevoir de manière plus résiliente», a déclaré Roman Stiftner, président du European Shippers’ Council dans un entretien accordé à l’ITJ à Vienne.
L’ESC soutient la Commission européenne dans ses efforts de réduction des effets du changement climatique, ce qui entraîne l’obligation pour les chargeurs d’acheter des certificats ETS dans le futur. La politique est appelée à limiter autant que possible le poids des charges pesant sur les modalités du régime ETS et d’éviter les doublons. Se lon R. Stiftner, les recettes engrangées par les certificats devraient être investies dans une infrastructure moderne et des innovations numériques.
Actuellement, il s’inquiète des tensions avec la Russie, mais aussi de la situation à Taïwan. Environ 40% des besoins mondiaux en semi-conducteurs sont couverts par ce pays. Ainsi, des perturbations dans les livraisons entraîneraient des répercussions vitales sur les processus de création de valeur en Europe et nuiraient au commerce mondial.
R. Stiftner déclare: «Rétablir la résilience est la priorité pour la gestion de la chaîne d’approvisionnement. À court terme, le secteur des chargeurs devrait venir à bout de la situation en gérant la crise. Nous sommes à la merci du gouvernement chinois s’il décide de fermer des terminaux à conteneurs en application de sa tolérance zéro en matière de Covid. Je suis convaincu que nous assisterons à un glissement des priorités clés en faveur de la qualité et de la régionalité.»
En pratique, cela signifie que les coûts ne seront plus un facteur décisif pour l’approvisionnement de marchandises. En cas de défaillance, la fiabilité de la livraison a un impact supérieur sur les coûts de l’ensemble du processus de production que les économies d’achat.
Les armateurs ET les fournisseurs
Selon R. Stiftner, la situation du marché actuelle dans le secteur du fret maritime représente un défi crucial pour le commerce mondial. Le secteur du transport maritime caractérisé par un petit nombre de grands acteurs n’était pas une base saine pour la mise à l’épreuve qu’a représenté la crise sanitaire pour le marché. Un marché qui n’a pas su répondre à la forte demande de consommation et qui a généré une progression des bénéfices parmi les compagnies maritimes de conteneurs.
Le règlement d’exemption par catégorie (REC) pour les compagnies maritimes ne serait pas nécessaire à l’heure actuelle pour protéger la navigation de haute mer, mais il reste quelques distorsions datant de l’époque pré-épidémique. Accroître l’efficacité sur le marché en coordonnant les capacités est une des raisons justifiant le REC, selon R. Stiftner: «Pour nous, en tant que chargeurs, il est vraiment difficile d’imaginer ce qu’aurait été la situation sans un REC.»
Différents secteurs commerciaux et industriels européens rencontrent des difficultés d’approvisionnement car ils dépendent souvent d’un fournisseur unique. «Passer à plusieurs fournisseurs est plus facile à dire qu’à faire. Aucune entreprise responsable n’est assez négligente pour se rendre dépendante d’un seul fournisseur.»
Les structures de livraison monopolistiques ne sont pas rares, en particulier dans le secteur des matières premières. Une récente étude a mis en évidence la dépendance totale vis-à-vis de la Chine en ce qui concerne les métaux stratégiques pour la haute technologie. Le magnésium, par exemple, utilisé dans la fabrication des alliages d’aluminium et d’acier.
Sans magnésium, il est impossible de construire une voiture ou d’ériger une éolienne. L’Europe dépend à 95% de la Chine, et la Chine a délibérément et stratégiquement limité drastiquement ses livraisons en Europe. Il s’en suit une explosion des prix et la prise de conscience que l’Europe a fortement perdu en autonomie dans d’importantes chaînes de création de valeur, par exemple dans le secteur automobile.