Ressorti du tiroir
Après l’entrée en fonctions du nouveau Premier ministre, le retrait du Royaume-Uni de l’UE ne semble plus être qu’une question de temps. Afin d’en amortir les conséquences économiques et logistiques, des zones et ports francs devraient faciliter le commerce international. Des plans correspondants existent depuis 2016, mais même certains ports britanniques critiquent le modèle.
Compte tenu de l’incertitude tenace concernant les conditions du retrait prévu du Royaume-Uni de l’Union européenne, le 31 octobre 2019, le nouveau Premier ministre britannique a annoncé vouloir soutenir la création d’une série de zones franches et de ports francs dans tout le pays. «Commençons par créer des ports francs qui aboutiront à des milliers d’emplois très qualifiés», a déclaré Boris Jonson, quelques jours après son entrée en fonctions. La ministre du Commerce international, Liz Truss, a d’ores et déjà mis au point une procédure pour que des ports de mer et aéroports puissent demander le statut de port franc.
Les ports francs et les zones franches voisines permettent l’importation, la transformation et la réexportation de marchandises qui ne sont pas soumises aux réglementations fiscales et douanières normales. Leur rayon d’action est toutefois limité en raisons des directives de l’UE. Même les défenseurs du concept sont obligés de l’admettre. Les zones et ports francs sont en outre souvent cités en matière de concurrence déloyale.
Un concept mis au point tôt
Rishi Sunak, le nouveau vice-ministre des Finances du gouvernement Johnson, est un fervent et important défenseur des ports francs. Peu avant le référendum sur le Brexit, en 2016, il a en effet présenté un rapport de 50 pages sur le sujet au Think Tank «Centre for Policy Studies» (CPS). Intitulé «Les ports francs, une opportunité», le rapport souligne que le Brexit pourrait renforcer le commerce britannique, l’industrie de transformation et le nord du pays structurellement désavantagé. Ce grâce à un programme de ports francs s’appuyant tant sur l’«infrastructure maritime de classe mondiale» existante que sur un secteur portuaire largement privatisé et «d’ores et déjà le second en Europe».
«Les ports francs pourraient créer 86 000 emplois pour l’économie britannique s’ils avaient autant de succès que le réseau de zones franches US, et ce surtout hors de la capitale britannique», ajoute le rapport. Les zones franches pourraient aussi booster l’industrie de transformation qui contribue actuellement seulement à hauteur de 10% au PIB britannique, un taux faible comparé aux autres pays de l’OCDE (rang 30 sur 35).
Il ne faut pas oublier que le Royaume-Uni disposait depuis 1984 de nombreuses zones franches: à Liverpool et Southampton et aux ports de Tilbury, Sheerness et Prestwich. En 2012, les dispositions juridiques n’ont pourtant pas été renouvelées, sans doute par crainte d’éventuelles objections de l’UE. Selon le rapport CPS, il existe encore une zone franche dans les îles Britanniques, l’Isle of Man. C’est peu comparé aux plus de 250 aux États-Unis et «quelque 3500 zones franches dans 135 pays du monde entier.» Il y en aurait 85 rien que dans l’UE, surtout dans les pays qui ont adhéré depuis 2004. Ce n’est pourtant qu’une «partie infime» des zones franches internationales car les directives du code douanier de l’UE et les réglementations communautaires sur les aides financières de l’État n’en font «guère plus que des entrepôts offrant des formalités douanières simplifiées.»
Une étude de l’ONU datant de 2015 a constaté que les «zones franches telles que prévues à l’origine» n’existent plus dans l’UE en raison de l’interprétation «très restreinte» que cette dernière fait de ce concept.
Profiter de l’expérience
L’association des plus grands exploitants portuaires britanniques, UK Major Ports Group (Ukmpg), a été conviée par L. Truss à participer à un nouvel organe consultatif. Tim Morris, CEO d’Ukmpg, a bien accueilli cette décision: «Les ports francs offrent la chance de développer des sites dans de bonnes conditions et avec un fort soutien local», a-t-il déclaré.
L’association des ports britanniques BPA, qui représente surtout de petits ports, se montre, elle, moins convaincue. «Dans leur forme actuelle, les propositions n’auront probablement pas le succès espéré par certains», a ainsi mis en garde Richard Ballantyne, gérant. La BPA suggère par conséquent un concept supplémentaire pour «des zones d’implantation et de développement» autour des ports et des aéroports qui bénéficieraient de cadres juridiques plus généreux et d’incitations économiques afin de pouvoir garantir «une véritable croissance».