La fin de l’ère des oligopoles?
La Commission européenne a décidé, au terme d’un processus d’examen d’un an, de ne pas proroger le règlement d’exemption en faveur des consortiums de transport maritime qui va expirer le 25 avril 2024. Certes, elle n’a pas détecté de manque de concurrence ou domination des armateurs dans la supply chain, mais sa décision devrait néanmoins booster des tiers à l’échelle globale.
N’oublions pas: pendant des décennies, les armements réalisaient des recettes à ce point faibles que seule une forte consolidation a permis de garder le marché à flot. Depuis 2009 ils ont en outre profité, dans certaines conditions, d’une exemption du règlement de l’UE sur les cartels. La Commission européenne a prorogé la validité de ce cadre juridique en 2014 et 2019 à chaque fois pour une durée de cinq ans. La dernière prorogation arrivera à échéance le 24 avril 2024 et il n’y en aura pas de nouvelle.
Les adversaires longtemps sans succès
Bien que les grands carriers aient connu de nombreuses années de boom, le bastion de l’exemption du règlement de l’UE par catégorie en faveur des consortiums semblait longtemps inébranlable. En mai 2022, lors d’un podium organisé à Genève par la Fiata sous l’égide de son SVP Jens Roemer, des spécialistes renommés en matière de cartels d’Afrique, de Chine, de l’UE et des USA ne décelaient aucune raison urgente d’agir. Tant Rebecca F. Dye de la Federal Maritime Commission des USA que Henrik Mørch de la DG de la concurrence de l’UE estimaient voir «suffisamment de concurrence sur le marché». Ils étaient tout juste prêts à des vérifications (cf. ITJ Daily du 1.6.2022).
Les appels conjoints, lancés entre autres en octobre 2022, des dix associations Clecat, EBU, ESC, Espo, ETA, Feport, Fiata, GSF, Fidi et Uirr ont eu de l’effet. Une étude de l’UE l’a fait apparaître à grand jour: les années de boom de 2020 à 2022 ne sont certes ni représentatives historiquement ni dues aux droits des consortiums, mais elles ont contribué – selon les déclarations de 24 sur un total de 33 chargeurs et transitaires questionnés – à une détérioration de la qualité des prestations de service, à une forte hausse des coûts de fret et à une distorsion de la concurrence entre les acteurs de la chaîne d’approvisionnement globale.
L’intégration verticale des carriers dans les activités d’expédition à terre a aussi joué un rôle dans la décision de l’UE. Cette dernière commence à avoir de premiers effets hors de l’UE. En Grande-Bretagne, Steve Parker, directeur général de la British International Freight Association (Bifa), a demandé à l’autorité britannique de la concurrence et du marché (CMA) de «suivre dans le cas idéal l’exemple de l’UE et de ne pas conserver l’équivalent de l’exemption des consortiums maritimes du règlement sur les cartels au Royaume-Uni.» Pour l’instant on ne sait pas si la Federal Maritime Commission (FMC) à Washington va s’inspirer de la voie européenne.