Campagne électorale à «Suburbia»
«Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux» Marcel Proust, (1871–1922), auteur français
Il y a des décisions qui nous donnent du fil à retordre, longtemps. Une d’entre-elles a été mon déménagement du centre-ville vers la banlieue d’Atlanta, la capitale de la Géorgie. J’ai du mal avec «Suburbia»: les jolies maisons aux jardins bichonnés, les promeneurs de chiens, les enfants sur leur tricycle circulant sur des routes aux doux virages, un environnement idyllique perturbé uniquement par le vrombissement lointain des tondeuses et le bourdonnement des véhicules de livraison électriques.
C’est vrai, ils me manquent: les sirènes des camions de pompiers et des voitures de police, le vilain bruit de fond du trafic routier aux heures de pointe et même les mauvaises herbes dans le jardin du voisin. Mais il y a une consolation. Avec mon déménagement dans la banlieue je fais partie du groupe démographique des USA le plus courtisé de cette année électorale folle aux USA: les femmes de la banlieue.
Depuis longtemps, les politiques font les yeux doux à ce groupe qui a déjà porté beaucoup de noms et avait différents visages. Par exemple les «Soccer Moms» au cours des années 1990 qui faisaient le chauffeur pour leurs enfants entre l’école et les activités de temps libre. Les «Security Moms», qui ont transformé après les attaques terroristes du 11 septembre leurs maisons en forteresses. Ou les «Zoom Moms» gérant leur famille par visiophonie.
Longtemps les femmes de banlieue constituaient un groupe surtout blanc, largement fermé, fidèle à une image traditionnelle de la famille et politiquement une valeur sûre des républicains. En 2016, Donald Trump a gagné, certes de justesse, les voix des électeurs dans les banlieues, mais lors des présidentielles de 2020 les sympathies de «Suburbia» se sont tournées vers les démocrates. Selon les plus récents sondages, Kamala Harris y bénéficierait aujourd’hui d’une légère avance.
Ce n’est guère surprenant: les banlieues US sont devenues ethniquement plus mixtes, diversifiées et globales. Parmi les nouveaux- venus figurent de plus en plus de femmes actives sans enfants. Elles font partie de ce groupe que J.D. Vance, candidat des républicains à la vice-présidence, a appelé «les femmes à chat sans enfants». À son avis, elles devraient avoir moins de droits de codécision car elles n’investissent pas dans l’avenir du pays. J’appartiens à ce groupe soi-disant déplorable (même si je n’aime pas les chats).Les flux constants depuis les centres-villes ont conduit à des banlieues politiquement plus diversifiées et multiculturelles. Des évolutions visibles dans tout le pays se reflètent aussi dans les banlieues: le «Gender Gap» par exemple, l’écart croissant entre les sexes. Selon les sondages, la plupart des femmes soutiennent Harris et la plupart des hommes Trump. Les analyses des élections passées ont montré: davantage de femmes que d’hommes vont voter.
J’ai essayé de vérifier toutes ces statistiques sur place, avec un succès mitigé. À la différence de mon ancien quartier, très peu de nouveaux voisins à «Suburbia» ont planté des panneaux électoraux dans leur jardin. La raison en est toutefois peut-être plutôt esthétique que politique... un gazon parfait y est vraiment très important.
Il existe pourtant un autre indicateur: dans beaucoup d’États US l’«early voting» est possible. Les électeurs peuvent voter à des jours fixes avant la date des élections. Les files d’attente très longues devant les bureaux de vote à proximité de mon domicile étaient surtout composées de femmes, jeunes et moins jeunes, de couleur ou blanches... j’ai immédiatement rejoint la file.
Le délai de rédaction de ce JTI était à 06.00 EST le 5 novembre – le jour des élections. Cet article a été écrit la semaine précédente.