Coursier, commercial, confident
«Ce ne sera jamais plus simple, tu deviens uniquement plus rapide.» Greg LeMond (*1961), coureur cycliste US, triple vainqueur du Tour de France
Alors que d’autres de mon âge rampaient dans la boue lors du service militaire, je me déplaçais avec un vélo électrique en effectuant mon service civil. Pendant un an, j’ai livré des courses et des médicaments à des ménages afin de délester les voies de transport de/vers le centre-ville. Ce «boulot de rêve» de mes premiers mois en qualité de coursier est devenu plus tard une tâche très ardue surtout pendant les mois d’hiver. Livreur sur le dernier kilomètre, j’étais soumis non seulement aux conditions météorologiques mais œuvrais aussi comme lien permettant de répondre à des besoins divers et variés.
C’est en permanence que j’étais tiraillé entre les intérêts des différents groupes. Tous étaient pourtant d’accord sur un seul point: il vaut mieux être très rapide.
La société garantissait des livraisons en moins de trois heures. Parfois il fallait seulement une fraction du temps imparti et m’est aussi arrivé de dépasser le donneur d’ordre sur le chemin du retour entre les courses et son domicile. Résultat: la clientèle s’est habituée à la livraison rapide. Les ménages sont devenus plus vite méfiants et se sont plaints après à peine deux heures auprès de mon supérieur ou des donneurs d’ordre en soulignant que la livraison aurait dû être là depuis longtemps. Le bureau ne disposait pas d’une mise à jour en temps réel des livraisons. Toute plainte était donc considérée comme justifiée. Ce qui suivait me fait encore frissonner aujourd’hui: la sonnerie stridente du portable confié au coursier retentissait. Au plus tard après le troisième coup de fil, j’ai compris en qualité de coursier que la personne à l’autre bout du fil n’avait jamais de bonnes nouvelles. Elle m’appelait pour signaler que quelque chose ne s’est pas déroulé comme prévu.
Il s’y ajoute que la sonnerie se faisait toujours entendre dans les situations les plus impossibles, lors de la traversée d’un sens giratoire ou de la première bouchée du déjeuner. Mais pas question de décrocher pendant un déplacement. Non seulement pour notre sécurité: les gilets oranges des coursiers sont reconnus par tous les locaux et en qualité de coursier j’étais aussi responsable de la façon dont le public percevait nos services, presque comme un ambassadeur de marque ou un commercial. Lors de la livraison à domicile, le coursier devait s’en tenir à ce rôle. Le bon de livraison précisait si le client veut que les marchandises soient remises personnellement ou déposées. Ces options n’étaient pourtant pas les seules. Certaines personnes étaient heureuses que quelques minutes supplémentaires soient prévues. Par exemple pour répondre à des questions sur le service. Dans la mesure où j’avais suffisamment de temps, j’ai sorti les ordures, écouté les soucis des gens ou soutenu certaines personnes dans leur deuil. Ces aperçus de la vie des différentes personnes m’ont souvent occupé même après la fin de mon travail.
Au début, j’ai respecté la règle énoncée de toute part: le plus rapide sera le mieux. Lorsque j’ai eu davantage de kilomètres au compteur, j’ai pris la liberté de compléter cela par: le plus rapide sera le mieux, mais il faut toujours accorder un peu de temps à la clientèle. Sa sagesse et sa reconnaissance font avancer le coursier presque autant que le moteur électrique de sa bicyclette.